Ne laissez pas le diabète s’installer…
Le diabète met des années à s’installer, sans qu’on le sache, avec des conséquences parfois dramatiques et irréversibles. Pourtant, un dépistage tôt et une bonne hygiène de vie peuvent faire la différence et limiter les dégâts. Fabienne Dewolf et Damien Vanden Berghe, tous deux pharmaciens, en sont convaincus et nous expliquent pourquoi.
En quoi le dépistage en pharmacie est-il différent de celui du médecin?
Fabienne: S’il suspecte un (pré)diabète, le médecin proposera une prise de sang, avant un diagnostic. Le pharmacien ne pose pas de diagnostic, mais va détecter les profils à risque et les orienter vers le médecin. Dans le cadre du projet pilote, nous nous sommes basés sur un questionnaire appelé FindRisc. En fonction du score obtenu, nous poussions plus loin l’analyse en prélevant une goutte de sang, placée dans un petit boitier qui mesurait le taux de sucre auquel le patient avait été exposé les 3 derniers mois. Impossible de tricher! En cas de risque modéré à sévère, nous orientions les patients vers le médecin et leur donnions des conseils.
Peu de gens se font dépister, comment l’expliquer?
Fabienne: De nombreuses personnes ne se rendent pas chez le médecin, pour diverses raisons: elles pensent que tout va bien, elles n’osent pas le déranger… Pourtant, elles mangent (trop) sucré, et elles ignorent leur (pré)diabète.
Il n’y a pas de symptôme d’alerte?
Damien: Le diabète de type 2 est une maladie « silencieuse ». A force de secréter de l’insuline pour répondre à une consommation fréquente de sucre, la machine se détraque, en quelque sorte. Nos récepteurs – trop sollicités – ne fonctionnent plus, d’où une résistance à l’insuline. Ce processus est lent, sans symptôme durant de nombreuses années. Or, sans prise en charge, les complications à long terme peuvent être graves. Une détection rapide est importante et peut permettre d’inverser la tendance en cas de prédiabète.
Quelle est la différence entre le prédiabète et le diabète?
Damien: Sans prise en charge, le prédiabète se transforme en diabète, qui lui est irréversible et nécessite un traitement à vie. Un prédiabète est donc un signal d’alerte, à prendre très au sérieux. Les voyants sont au rouge, la situation est grave, mais il est encore possible d’agir.
Comment?
Damien: En combinant rééquilibrage alimentaire et activité physique. L’éducation alimentaire est primordiale. Elle permet de savoir quels aliments privilégier, car ils ont un indice glycémique faible, et lesquels éviter.
Fabienne: Et il n’y a pas que les bonbons! On oublie les sucres cachés, comme le pain blanc qui, une fois assimilé, augmente le taux de sucre dans le sang. Quant au sport, mieux vaut une activité régulière, comme marcher 30 min./jour, qu’une activité intense mais épisodique.
Un changement d’alimentation peut donc faire la différence?
Damien: Oui! Avec l’aide d’un médecin, d’un nutritionniste ou d’un diététicien, on peut réapprendre à manger sainement. Saviez-vous, par exemple, que le sel fait grimper le taux de sucre dans le sang? Supprimez la salière à table, remplacez-la par quelques épices: on s’habitue vite à manger moins salé. Des petits conseils, comme cuire ses pates al dente pour réduire leur indice glycémique, ou privilégier le pain complet, le quinoa et les fruits secs – des aliments à faible indice glycémique – sont faciles à appliquer.
On peut donc inverser la tendance rapidement?
Damien: Tout dépend du stade de prédiabète atteint. Mais une fois qu’un nouveau mode de vie est mis en place, ce qui prend du temps, les résultats positifs peuvent être rapides.
Et s’il est trop tard et que le diabète est déjà installé?
Damien: Dans ce cas, un mode de vie sain, bien que nécessaire, ne suffira pas. Un traitement médicamenteux oral, à prendre toute sa vie, sera prescrit par le médecin. Du moins en première intention, car si le diabète évolue, des injections quotidiennes d’insuline ne sont pas exclues. D’où l’importance d’une prise en charge!
Sans ce traitement, quelles peuvent êtres les complications liées au diabète?
Damien: Pour simplifier, disons que tout le corps va fonctionner au ralenti. Cela peut entraîner des problèmes cardiovasculaires (hypertension, AVC…), circulatoires, rénaux, de cicatrisation (jusqu’à l’amputation si la gangrène s’installe), une cécité…
Le dépistage concerne plutôt les personnes âgées?
Fabienne: Pas forcément. L’éducation alimentaire prend du temps, et les jeunes ne sont pas souvent suivis régulièrement par un médecin. Je conseille à toute personne de se faire dépister, ceci étant une façon de les sensibiliser à la problématique du diabète.
Quels sont les facteurs de risque?
Damien: Le surpoids, l’obésité, la sédentarité, le manque d’activité physique, les antécédents familiaux de diabète, mais aussi les origines ethniques (les personnes originaires d’Asie du Sud-Est, de Turquie, et d’Afrique du Nord sont plus à risque), pour citer les principaux.
Que conseiller à nos lecteurs, s’ils se reconnaissent?
Damien: De consulter leur médecin pour un éventuel bilan sanguin. Le questionnaire FindRisc est facile à faire seul(e) et peut être un bon début, mais il ne donne qu’une indication du risque. En cas de doute, parlez-en à votre pharmacien(ne)! Pour vous conseiller et vous orienter éventuellement vers un médecin pour un diagnostic, il (elle) vous posera quelques questions. D’ailleurs, cela vaut aussi lors de la dispensation d’un médicament: pour vous proposer le bon remède et éviter les interactions et effets indésirables, ses questions, parfois gênantes, sont nécessaires!